La loi du 20 juillet 2023 adapte le cadre de la mise en oeuvre du "zéro artificialisation nette" (loi "ZAN 2")

Juridique

Loi n° 2023-630 du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux

Près de 2 ans après la territorialisation de la trajectoire "zéro artificialisation nette" des sols (ZAN) par loi Climat et résilience, la loi du 20 juillet 2023 adapte plusieurs éléments pour la mise en œuvre des objectifs ZAN :   

Des délais de mise en compatibilité modifiés

- L'article 1er de cette loi reporte les délais prévus pour intégrer les objectifs "ZAN" (fixés par la loi Climat et résilience du 22 août 2021) dans les documents de planification urbaine et stratégique. Cet article accorde :

  • 9 mois supplémentaires pour approuver le schéma régional intégrant les objectifs ZAN (avant le 22 novembre 2024) -que ce schéma soit un schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET), un schéma d'aménagement régional (SAR), le schéma directeur de la région d’Ile-de-France (SDRIF) ou le plan d’aménagement et de développement durable de Corse (PADDuC) ;
  • 6 mois supplémentaires pour approuver un schéma de cohérence territoriale (SCoT) intégrant les objectifs ZAN (avant le 22 février 2027) ;
  • 6 mois de plus aussi pour approuver un plan local d'urbanisme (PLU, PLUi) ou une carte communale (CC) intégrant les objectifs ZAN (avant le 22 février 2028).

- L'article 1er modifie le "filet de sécurité" prévu par la loi Climat et résilience, au cas où l'évolution du schéma régional intégrant les objectifs ZAN ne serait pas approuvé à temps  :

  • Elle conserve ce filet de sécurité initial pour le SRADDET et le SDRIF : si le SRADDET ou le SDRIF n'a pas intégré les objectifs ZAN à temps, il est donc toujours prévu que le SCoT (ou à défaut de SCoT, le PLU ou PLUi, le document d'urbanisme tenant lieu de PLU ou la carte communale) engage l'intégration d'un objectif de réduction de moitié de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers (pour la 1ère tranche de 10 ans prévue par la loi Climat et résilience) ;
  • Pour la Corse (en lieu et place de ce filet de sécurité initial) : la loi du 20 juillet 2023 interdit, à compter du 22 août 2027, l'extension de l'urbanisation dans toute commune qui n'est pas couverte par un PLU(i), un document tenant lieu de PLU ou une carte communale.

Des mécanismes de conciliation renforcés

- Cet article 1er explicite aussi la possibilité de saisir la Commission de conciliation départementale (prévue à l'article L. 132-14 du code de l'urbanisme) : dans le cadre de l'évolution du document d'urbanisme local visant à intégrer les objectifs ZAN, cette commission intervient à la demande du porteur de SCoT, de l'établissement public de coopération intercommunale ou de la commune compétente en matière de documents d'urbanisme.

- L'article 3 prévoit aussi une Commission de conciliation régionale pour la détermination des projets d'envergure nationale ou européenne (PENE) : cette Commission peut être saisie à la demande de la région, en cas de désaccord sur la liste des PENE présentant un intérêt général majeur (voir ci-après).

Une Conférence régionale ZAN en remplacement de la Conférence des SCoT

- L'article 2 remplace la Conférence des SCoT par une Conférence régionale de gouvernance de la politique de réduction de l’artificialisation des sols (Conférence ZAN). Parmi ses attributions, Conférence régionale :

  • est consultée dans le cadre de la qualification des projets d'envergure nationale ou européenne (PENE -voir ci-après) et dans celui de la qualification des projets d'envergure régionale ;
  • peut se réunir sur tout sujet lié à la mise en œuvre des objectifs ZAN, à l'initiative de la région ou d'un établissement porteur de SCoT ;
  • peut transmettre à l’État des analyses et des propositions portant sur la mise en œuvre des objectifs ZAN ;
  • peut adopter par délibération et transmettre au porteur du document régional, dans les 3 mois à compter de la délibération prescrivant l'élaboration ou l'évolution de ce document régional (SRADDET, SAR, SDRIF ou PADDuC) et modifiant les objectifs chiffrés ou trajectoires ZAN, une proposition relative à l'établissement des objectifs régionaux en matière de réduction de l'artificialisation des sols ;
  • établit un bilan de la mise en œuvre des objectifs ZAN (au plus tard 1 an après la dernière réunion de la Conférence régionale ZAN) ;
  • présente un bilan de l'application de la garantie communale en matière de consommation d'espace sur la 1ère tranche de 10 ans (voir ci-après) et transmet des pistes de réduction de cette surface minimale garanties pour les périodes décennales ultérieures, en vue d'atteindre le ZAN à 2050.

- L'article 2 prévoir également la possibilité, pour le président ou la majorité des membres de la Conférence régionale ZAN, de réunir une Conférence départementale pour tout sujet lié à la mise en œuvre communale ou intercommunale des objectifs de réduction de l'artificialisation des sols. 

- Toutefois, en Corse, la chambre des territoires (prévue à l'article L. 4421-3 du code général des collectivités territoriales) se substitue à la Conférence régionale ZAN.

La prise en compte des projets d'envergure nationale ou européenne (PENE) d'intérêt général majeur

L'article 3 de la loi du 20 juillet 2023 précise les critères et modalités de définition des PENE pouvant être considérés comme d'intérêt général majeur. 

Matérialisée par une liste de projets qui sera fixée par arrêté du ministre chargé de l'urbanisme, cette définition des PENE d'intérêt général majeur est importante pour déterminer les objectifs ZAN sur la 1ère tranche de 10 années. Pour cette période, en effet, la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers résultant des PENE d'intérêt général majeur est :

  • prise en compte au niveau national (dans le cadre d'un forfait national fixé à hauteur de 12 500 hectares pour l'ensemble du pays (dont 10 000 hectares mutualisés entre les régions couvertes par un SRADDET),
  • et n'est pas prise en compte au titre des objectifs fixés par les documents de planification régionale et par les documents d'urbanisme.

Une garantie communale sur la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers

- L'article 4 met en place une garantie communale en termes de consommation d'espace : dès lors qu'elle est couverte par un plan local d'urbanisme (PLU, PLUi), un document tenant lieu de PLU ou une carte communale prescrit(e), arrêté(e) ou approuvé(e) avant le 22 août 2026, une commune "ne peut être privée, par l'effet de la déclinaison territoriale des objectifs [ZAN], d'une surface minimale de consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers" (extrait de l'article 4 de la loi du 20 juillet 2023). Pour la 1ère tranche de 10 années prévue par la loi Climat et résilience, cette surface minimale est de 1 ha.

Des dispositions sont par ailleurs prévues pour :

  • permettre une mutualisation à l'échelle intercommunale,
  • et prendre en compte les communes nouvelles (pour celles dont l'arrêté de création est postérieur au 1er janvier 2011).

- Ce même article 4 prévient cependant que cette garantie communale :

  • "s'applique sans préjudice des modalités de comptabilisation de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers prévues [par l']article [194 de la loi Climat et résilience du 22 août 2021]" ;
  • "n'exonère pas les communes non couvertes par un [PLU], par un document en tenant lieu ou par une carte communale du respect des dispositions du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code de l'urbanisme régissant les constructions, les aménagements, les installations et les travaux ainsi que les changements de destination réalisés sur ces constructions en dehors des parties urbanisées de ces communes" ;
  • et "ne peut être opposé ni à la mise en œuvre, ni au respect de ces dispositions" du code de l'urbanisme.

La prise en compte des contraintes liées au recul du trait de côte

- L'article 5 explicite le besoin de tenir compte des contraintes liées au recul du trait de côte dans la fixation des objectifs ZAN. Pour ces objectifs ZAN :

  • Les surfaces artificialisées situées dans une zone exposée au recul du trait de côte (ZERTC) à l'horizon de 30 ans peuvent être considérées comme désartificialisées si elles ont vocation à être renaturées dans le cadre d'un projet de recomposition spatiale du territoire littoral ; 
  • "Au terme de chaque tranche de 10 années, les surfaces n'ayant pas fait l'objet d'une renaturation sont de nouveau considérées comme artificialisées".

- Pour les schémas d'aménagement régionaux (SAR), ce même article 5 précise que la trajectoire ZAN prévue par le SAR "tient compte des contraintes propres aux communes littorales (au sens de l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme) soumises aux prescriptions particulières d'un schéma de mise en valeur de la mer (SMVM), notamment en termes d'aménagement du territoire, de renouvellement urbain et d'insularité, de leurs besoins en terme de développement économique et de revitalisation des centres et des efforts déjà réalisés par ces communes".

Des outils renforcés pour mettre en oeuvre le ZAN

- L'article 6 de la loi du 20 juillet 2023 permet aux PLU(i), aux documents en tenant lieu et aux cartes communales de délimiter des secteurs prioritaires pour l'atteinte des objectifs ZAN, en particulier :

  • des terrains pour la préservation ou la restauration de la nature en ville, 
  • des zones à fort potentiel en matière de renaturation (zones préférentielles pour la renaturation...) 
  • et des terrains favorables au renouvellement urbain, à l'optimisation de la densité des espaces urbanisés ou à la réhabilitation des friches.

Un droit de préemption urbain est prévu à l'intérieur de ces secteurs.

- Cet article 6 étoffe aussi la définition des actions ou opérations d'aménagement (à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme), en précisant que ces actions ou opérations peuvent y compris avoir pour objets :

  • de permettre le recyclage foncier, 
  • de restaurer (et pas uniquement de sauvegarder et mettre en valeur) le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels,
  • et de renaturer ou de désartificialiser des sols.

 - L'article 6 instaure par ailleurs un sursis à statuer ZAN : "Dans le cadre de la mise en œuvre [de ces] objectifs [...], l'autorité compétente pour délivrer les autorisations d'urbanisme peut surseoir à statuer sur une demande d'autorisation d'urbanisme entraînant une consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers qui pourrait compromettre l'atteinte des objectifs de réduction de cette consommation susceptibles d'être fixés par le document d'urbanisme en cours d'élaboration ou de modification, durant la première tranche de 10 années" prévue par la loi Climat et résilience (extrait de l'article 6 de la loi du 20 juillet 2023).

- L'article 9 de la loi du 20 juillet 2023 vise à étudier parallèlement les perspectives d'optimisation du levier fiscal pour contribuer au ZAN. Dans les 6 mois à compter de la promulgation de cette loi, le Gouvernement doit remettre un rapport relatif à la fiscalité comme outil de lutte contre l'artificialisation des sols. Ce rapport doit permettre à la fois de :

  • mieux repérer les outils fiscaux incitant à l'artificialisation des sols et contrenant ainsi à l'objectif ZAN ;
  • identifier les outils fiscaux (locaux et nationaux) mobilisables pour inciter à ne pas artificialiser les sols ou à renaturer des espaces artificialisés ;
  • chiffrer les pertes de recettes ou dépenses supplémentaires induites par les propositions formulées.

Un suivi renforcé de la mise en oeuvre du ZAN

Outre les mission de bilan et de suivi prévus pour la nouvelle Conférence régionale ZAN (voir ci-avant), la loi du 20 juillet 2023 prévoit d'autres mesures renforçant le suivi et l'évaluation de la mise en oeuvre des objectifs ZAN et de ses effets :

 L'article 8 de la loi complète les attendus du rapport national relatif à l'évaluation de la politique de limitation de l'artificialisation des sols (rapport national sur la limitation de l'artificialisation des sols). Ce rapport doit notamment inclure :

  • un bilan des effets de la loi du 20 juillet 2023, en particulier sur les conditions de la territorialisation des objectifs ZAN et la garantie communale (voir ci-avant) ;
  • la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers occasionnée par les PENE présentent un intérêt général majeur (voir ci-avant) ;
  • "les incidences du régime de limitation de l'artificialisation sur la production de logements, notamment de logements sociaux, et sur la réalisation de projets concourant à la transition écologique ou au développement économique des territoires ;
  • [...] un examen approfondi des conséquences de ce régime sur la préservation de l'environnement naturel et de la biodiversité et sur la prise en compte des incidences de la disponibilité locale de la ressource en eau" (extraits de l'article 8 de cette loi). 

Autres mesures

 - Pour la Corse, l'article 1er de la loi du 20 juillet 2023 demande à ce que l'objectif ZAN soient "décliné entre les différentes parties du territoire" dans le plan d’aménagement et de développement durable de Corse (PADDuC).

 - Pour les espaces renaturés : l'article 7 précise qu'en matière de consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers, "la transformation effective d'espaces urbanisés ou construits en espaces naturels, agricoles et forestiers du fait d'une renaturation peut être comptabilisée en déduction de cette consommation". 

Pour en savoir plus

Vous pouvez consulter :

  • la loi n° 2023-630 du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux
  • et, de manière plus générale, notre dossier spécial sur cette loi.
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