ARCHIVE - L’enquête publique environnementale vue par Emmanuelle Gillet-Lorenzi
Cette fiche, créé en 2013, propose une analyse des enquêtes publiques "environnementale" qu’il peut être intéressant de consulter pour un regard sur ces enquêtes telles qu’elles étaient à cette époque

Fiche écrite en 2013 par Emmanuelle GILLET-LORENZI, maître de conférences en droit public, directrice de l’Institut d’aménagement du territoire, d’environnement et d’urbanisme de l’université de Reims (IATEUR) - , dans le cadre d’une convention de partenariat Certu-APERAU [1] sous maîtrise d’ouvrage DGALN [2]
ATTENTION : si cette fiche présente un intérêt rétrospectif, certains éléments évoqués ci-dessous ont évolué depuis 2013.Cette fiche n’est donc pas à jour. Elle est proposée sur notre site uniquement pour l’intérêt qu’elle représente en tant que point de comparaison permettant d’entrevoir les évolutions législatives et réglementaires.POUR UNE APPROCHE PLUS RECENTE :Vous pouvez notamment consulter notre fiche outils sur l’enquête publique "environnementale".
L’enquête publique a de nouveau été profondément réformée par la loi du 12 juillet 2010 dite Grenelle II, son titre VI générant une refonte plus générale du principe de participation. La réforme opérée par ce texte a ensuite été finalisée par trois décrets d’application du 29 décembre 2011 ( publiés le 30 décembre 2011).
Au terme du nouvel article L123-1 nouveau C. Env., la procédure d’enquête publique dite « enquête environnementale », a ainsi « pour objet d’assurer l’information et la participation du public ainsi que la prise en compte des intérêts des tiers lors de l’élaboration des décisions susceptibles d’affecter l’environnement ».
I. LES GRANDS PRINCIPES DE L’ÉVOLUTION OPÉRÉE :
La procédure d’enquête publique fut initialement organisée par le code de l’expropriation comme une garantie procédurale offerte aux propriétaires. Elle se trouva ensuite profondément modifiée par la loi dite du 12 juillet 1983 ( loi Bouchardeau) afin de favoriser un nouveau modèle de relations entre les administrés et l’administration, axé sur une adhésion raisonnée du citoyen et non sur sa soumission.
Les nouvelles dispositions entrées en vigueur le 1er juin 2012 reprennent pour l’essentiel les dispositions issues cette loi de 1983. Ces dispositions tendent néanmoins à :
- mettre en concordance le dispositif français avec les directives européennes ( ex : directive du Conseil du 27 juin 1985) et avec les dispositions internationales au premier rang desquelles la convention d’Aarhus du 23-25 juin 1998 sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (décret du 12 septembre 2002) ;
- prendre la mesure de la constitutionnalisation du droit public à l’information et à la participation intégré à l’article 7 de la Charte de l’environnement du 1er mars 2005 ;
- simplifier et à rationaliser le droit applicable en la matière, devenu trop complexe, hétérogène et instable.
Ainsi, sans bouleverser le processus d’enquête, le nouveau dispositif permet essentiellement [3] de regrouper les 181 procédures d’enquête préexistantes hier réparties en une vingtaine de codes en deux catégories : l’enquête environnementale, objet de la présente fiche (article L 123-2 C. Env.) ; l’enquête relevant du code de l’expropriation (article L 11-1 C. Exprop.).
- Le nouveau dispositif s’applique :
- aux enquêtes publiques dont l’arrêté d’ouverture et d’organisation a été publié à partir du 1er juin 2012 ;
- aux projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements qui ne sont pas soumis à enquête publique, dont les demandes d’autorisation ont été déposées à compter du 1er juin 2012.
II. CHAMP D’APPLICATION DE LA PROCÉDURE D’ENQUÊTE PUBLIQUE
La réforme « Grenelle II » réaffirme l’objet environnemental de l’enquête publique environnementale tout en réformant son champ d’application. Le législateur retient globalement le principe d’un alignement du champ de l’enquête publique sur celui de l’étude d’impact tout en recourant à une énumération (article L 123-2 C. Env.). Toutes les opérations soumises à étude d’impact ne sont donc pas soumises à enquête publique ; tous les plans et programmes ne sont pas non plus soumis à enquête.
II.1 Les projets, plans et programmes soumis à enquête environnementale : les principes
- Les projets soumis à étude d’impact :
En application de l’article L 123-2 1° C env., les projets soumis à étude d’impact sont soumis à enquête publique. A ceux-ci s’ajoutent les projets soumis à étude d’impact en application de la procédure du cas pas cas de l’article R 122-2 C. Env.
- Les plans, schémas et programmes et autres documents de planification soumis à une évaluation environnementale :
Sont soumis à enquête publique les plans, schémas, programmes soumis à évaluation environnementale en application des articles L 122-4 et R 122-17 C. env. + L. 121-10 du code de l’urba (il est à noter que la liste des plans et documents soumis à évaluation environnementale a été modifiée par le décret du 2 mai 2012 entrant en vigueur le 1er janvier 2013)
- Les projets de nature environnementale
Sont soumis à enquête publique environnementale « les projets de création d’un parc national, d’un parc naturel marin, les projets de charte d’un parc national ou d’un parc naturel régional, les projets d’inscription ou de classement de sites et les projets de classement en réserve naturelle et de détermination de leur périmètre de protection mentionnés au livre III du présent code ».(art. L 123-2 3° C env)
Les projets soumis à enquête en application d’une réglementation particulière :
D’autres documents ou décisions a priori exclus du champ d’application de l’étude d’impact ou de l’évaluation environnementale, peuvent être soumis à enquête publique en application de dispositions particulières (art . L 123-2 4° C Env).
II.2 Les exceptions au principe
Sont exclus du champ d’application de l’enquête publique environnementale :
Les projets de création de ZAC (article L 123-2-1° et R 123-1-II-1 C env.) même si ces projets sont soumis à étude d’impact ( une enquête publique peut néanmoins être organisée au besoin, au titre du code de l’expropriation)
Les projets à caractère temporaire ou de faible importance : (Art. R 123-1-II C env.)
Les travaux ou ouvrages destinés à prévenir un danger grave et immédiat :
Les projets soumis au secret de la défense nationale
Les travaux d’entretien et de grosses réparations
II.3 Champ d’application de l’enquête publique environnementale et champ d’application de l’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique (DUP)
Les projets nécessitant une DUP et entrant dans le champ d’application de l’enquête publique environnementale relèvent du régime de cette enquête environnementale. Les autres DUP se voient appliquer le régime juridique des enquêtes organisées par le code de l’expropriation
Une décision prise au terme d’une enquête publique environnementale organisée au lieu et place d’une enquête relevant du code de l’expropriation n’est pas, en tant que telle, illégale.
A l’inverse, une décision prise au terme d’une enquête relevant du code de l’expropriation organisée au lieu et place d’une enquête publique environnementale est, par ce seul fait, illégale. (art. L 123-2 IV C Env.)
III. RÉGIME JURIDIQUE DE LA PROCÉDURE D’ENQUÊTE ENVIRONNEMENTALE
La réforme de l’enquête publique environnementale ne remet pas en cause profondément les grandes étapes de la procédure Bouchardeau. :
Les principales évolutions concernent :
- L’amélioration de l’articulation entre l’enquête publique et les procédures préalables d’information et de participation du public dont le champ d’application a été élargie par la loi. Sont, de façon plus générale, favorisées la participation du public et sa prise en compte
Le régime des modifications du projet soumis à enquête publique avec la création de la suspension d’enquête et de l’enquête complémentaire
Le commissaire enquêteur et plus spécifiquement son rôle au cours de l’enquête
III.1 Une enquête unique favorisée :
La réforme de l’enquête publique environnementale tend à promouvoir l’organisation d’enquête unique à la différence de l’enquête conjointe antérieurement utilisée.
Les autorités compétentes pour des projets distincts soumis à enquête publique peuvent ainsi opter pour l’organisation d’une enquête publique environnementale unique dès lors qu’un des projets est soumis à ce régime d’enquête (art. L 123-6 I C env). Le dossier soumis à enquête publique devra alors comporter les pièces ou éléments exigés au titre de chacune des enquêtes initialement requises. Le commissaire enquêteur rédigera un rapport unique tout en devant formuler des conclusions motivées au titre de chacune des enquêtes publiques initialement requises.
Les modalités pratiques d’organisation et de déroulement d’une telle enquête sont elles prévues à l’article R 123-7 C env..
Par ailleurs, dans un souci de sécurisation de la procédure, l’article L 123-6 II C env. dispose que la régularité du dossier et de la décision prise in fine n’est appréciée qu’au regard du seul dispositif applicable au projet.
III.2 La préparation de l’enquête
L’Autorité chargée d’ouvrir et d’organiser l’enquête : (articles L 123-3 et R 123-3 code de l’environnement)
L’autorité compétente peut-être :
Le préfet, lorsque :
l’enquête publique relève de la compétence d’une collectivité territoriale, d’un EPCI ou d’un de leurs établissements publics mais est menée préalablement à une DUP.
l’opération doit être réalisée sur le territoire de plusieurs départements (’arrêté préfectoral conjoint)
le projet relève d’une autorité nationale de l’Etat
Le président de l’organe délibérant de la collectivité, de l’EPCI ou de l’établissement public lorsque le projet porte sur le territoire de plusieurs communes, départements ou régions, (ouverture et l’organisation s’effectuant par une décision conjointe des autorités compétentes).
1. La désignation du commissaire enquêteur (ou de la commission d’enquête)
La réforme opérée par le Grenelle et son décret d’application est venue confirmer les pouvoirs octroyés aux commissaires enquêteurs.
Selon l’importance des opérations concernées, la procédure d’enquête est conduite par un commissaire enquêteur (ou par une commission d’enquête) désigné par le président du tribunal administratif ou son représentant (art. L 123-4 et R 123-8 C env.). Seules peuvent être désignées les personnes figurant sur une liste d’aptitude établie par une commission départementale. Cette liste est publique et est révisée au moins une fois par an. Le choix du Président n’est pourtant pas limité aux listes des départements faisant partie du ressort du tribunal.
Les conditions pour pouvoir exercer les fonctions de commissaire enquêteur ou de membre d’une commission d’enquête ainsi que les cas d’incompatibilités sont eux repris aux articles L123-5 et R 123-4 C env.
Les conditions d’indemnisation à la charge du maître d’ouvrage sont précisées aux articles L 123-18 et R 123-25 à R 123-27 C env.
La loi du 12 juillet 2010 introduit deux nouveautés :
le pouvoir reconnu au Président du tribunal administratif de radier un commissaire enquêteur qui n’aurait pas satisfait à ses obligations ( ex : non respect du délai de remise de rapport sans motif valable). Cette radiation intervient au terme d’une procédure contradictoire (art. R 123-41 C env.).
la généralisation de la désignation de suppléants auxquels il est possible de faire appel en cas de carence du commissaire enquêteur titulaire.
2. La composition du dossier d’enquête
Le contenu du dossier a été complété par la réforme entrée en vigueur au 1er juin 2012 afin, en particulier, d’améliorer la participation et l’information du public.
Parmi les pièces à joindre, il faut ainsi plus particulièrement noter la présence nouvelle :
- De l’étude d’impact ou de l’évaluation environnementale ;
- D’une note de présentation non technique en cas d’absence d’étude d’impact ou d’évaluation environnementales (généralisation de la présence d’une note de présentation destinée à résumer de manière non technique les éléments contenus dans le dossier) ;
- D’une note présentant les textes régissant l’enquête et la façon dont cette dernière s’intègre dans la procédure administrative mise en œuvre ;
- D’un bilan de la concertation préalable ou du débat public ou de toute procédure ayant associé la population ;
- Des avis émis sur le projet.
Ainsi le dossier comprend au moins (art. L 123-12 et R 123-8 C env) :
1° Lorsqu’ils sont requis, l’étude d’impact et son résumé non technique ou l’évaluation environnementale et son résumé non technique, et, le cas échéant, la décision d’examen au cas par cas de l’autorité administrative de l’Etat compétente en matière d’environnement, ainsi que l’avis de l’autorité administrative de l’Etat compétente en matière d’environnement ( art. L. 122-1 et L. 122-7 C Env ou art. L 121-12 C Urb.) ;
2° En l’absence d’étude d’impact ou d’évaluation environnementale, une note de présentation précisant les coordonnées du maître d’ouvrage ou du responsable du projet, plan ou programme, l’objet de l’enquête, les caractéristiques les plus importantes du projet, plan ou programme et présentant un résumé des principales raisons pour lesquelles, notamment du point de vue de l’environnement, le projet, plan ou programme soumis à enquête a été retenu ;
3° La mention des textes qui régissent l’enquête publique en cause et l’indication de la façon dont cette enquête s’insère dans la procédure administrative relative au projet, plan ou programme considéré, ainsi que la ou les décisions pouvant être adoptées au terme de l’enquête et les autorités compétentes pour prendre la décision d’autorisation ou d’approbation ;
4° Lorsqu’ils sont rendus obligatoires par un texte législatif ou réglementaire préalablement à l’ouverture de l’enquête, les avis émis sur le projet plan, ou programme. Dans le cas d’avis très volumineux, une consultation peut en être organisée par voie électronique dans les locaux de consultation du dossier ;
5° Le bilan de la procédure de débat public (art. L 121-8 à L 121-15 C env.), ou de la concertation (art. L. 121-16 C env.), ou de toute autre procédure prévue par les textes en vigueur permettant au public de participer effectivement au processus de décision. Lorsqu’aucune concertation préalable n’a eu lieu, le dossier le mentionne ;
6° La mention des autres autorisations nécessaires pour réaliser le projet, plan ou programme, (art. L 214-3 I C env. , art. L 341-10 et L 411-2 4° C env., ou des articles L 311-1 et L 312-1 C. forestier) .
III.3 L’ouverture de l’enquête
1. L’arrêté d’organisation de l’enquête :
Quinze jours au moins avant l’ouverture de l’enquête et après concertation avec le commissaire enquêteur ou le président de la commission d’enquête, l’autorité compétente pour ouvrir et organiser l’enquête précise par arrêté (art. R 123-9 C env.) :
1° L’objet de l’enquête, notamment les caractéristiques principales du projet, plan ou programme, la date à laquelle celle-ci sera ouverte et sa durée ;
2° La ou les décisions pouvant être adoptée (s) au terme de l’enquête et les autorités compétentes pour prendre la décision d’autorisation ou d’approbation ;
3° Le nom et les qualités du commissaire enquêteur ou des membres de la commission d’enquête, et de leurs suppléants ;
4° Les lieux, ainsi que les jours et heures où le public pourra consulter le dossier d’enquête et présenter ses observations sur le registre ouvert à cet effet ; en cas de pluralité de lieux d’enquête, l’arrêté désigne parmi eux le siège de l’enquête, où toute correspondance relative à l’enquête peut être adressée au commissaire enquêteur ou à la commission d’enquête ;
5° Les lieux, jours et heures où le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête, représentée par un ou plusieurs de ses membres, se tiendra à la disposition du public pour recevoir ses observations ;
6° Le cas échéant, la date et le lieu des réunions d’information et d’échange envisagées ;
7° La durée et les lieux où, à l’issue de l’enquête, le public pourra consulter le rapport et les conclusions du commissaire enquêteur ou de la commission d’enquête ;
8° L’existence d’une évaluation environnementale, d’une étude d’impact ou, à défaut, d’un dossier comprenant les informations environnementales se rapportant à l’objet de l’enquête, et du lieu où ces documents peuvent être consultés ;
9° L’existence de l’avis de l’autorité administrative de l’État compétente en matière d’environnement mentionné aux articles L. 122-1 et L. 122-7 du présent code ou de l’article L. 121-12 du code de l’urbanisme et le lieu où il peut être consulté ;
10° L’information selon laquelle, le cas échéant, le dossier d’enquête publique est transmis à un autre État, membre de l’Union européenne ou partie à la convention sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière, signée à Espoo le 25 février 1991, sur le territoire duquel le projet est susceptible d’avoir des incidences notables ;
11° L’identité de la ou des personnes responsables du projet, plan ou programme ou de l’autorité auprès de laquelle des informations peuvent être demandées ;
12° Le cas échéant, l’adresse du site internet sur lequel des informations relatives à l’enquête pourront être consultées, ou les moyens offerts au public de communiquer ses observations par voie électronique.
Cet arrêté est un acte préparatoire insusceptible de recours pour excès de pouvoir).
2 La publicité préalable à l’enquête
Les articles L 123-10 et R 123-11 C env. fixent les modalités en application desquelles le public doit être informé de l’ouverture et des modalités d’organisation de l’enquête. A savoir :
Les modalités en application desquelles le public doit être informé de l’ouverture et des modalités d’organisation de l’enquête sont les suivantes (art. : L 123-10 et R 123-11 C env) :
Publication dans les journaux ;
Affichage en mairie ou préfectures ;
Affichage sur le terrain ;
Publication sur le site internet si l’autorité compétente en dispose d’un.
La réforme renforce l’accessibilité de l’information : elle permet, à toute personne, et non plus seulement aux associations de protection de l’environnement, d’obtenir sur demande et à ses frais, la communication du dossier d’enquête publique (art. R 123-9 C env )
Elle reconnaît la communication par voie électronique comme un mode complémentaire d’information . le décret du 29 décembre 2011 précise ainsi les projets soumis à titre expérimental à ce type de communication. En outre, l’adresse du site internet où peuvent être consultées les informations relatives à l’enquête, peut être précisée dans l’arrêté d’ouverture (article 123-9 C env) ; l’avis d’enquête « est publié » sur le site internet de l’autorité compétente pour ouvrir l’enquête « lorsque celle-ci dispose d’un site » ( art. R 123-10 C env.).. ( cette publication prend un caractère obligatoire dans la plupart des hypothèses).
III.4 Le déroulement de l’enquête
1. Durée de l’enquête
Principes
La durée de l’enquête ne peut être inférieure à 30 jours. (article L 123-9 C env.) et ne saurait excéder deux mois (article R 123-6 C env.).
L’enquête doit en outre être nécessairement réalisée préalablement à l’intervention de la décision en vue de laquelle l’enquête est requise ou, en l’absence d’une telle décision, avant tout commencement de la réalisation du projet (article R 123-2 du code de l’environnement).
Exceptions à la durée de l’enquête
La réforme crée une procédure de suspension de l’enquête (article R 123-22 C env.) et une procédure d’enquête complémentaire (article R 123-23 C env.). Dans ce cas, le délai de deux mois peut alors être dépassé.
La possibilité de prolonger l’enquête (articles L 123-9 et R 123-6 C env.) : le commissaire enquêteur (ou le président de la commission d’enquête) peut, après information de l’autorité compétente, prolonger l’enquête pour une durée maximale de 30 jours et non de 15 comme précédemment. Cette hypothèse trouve en particulier application quand le commissaire enquêteur décide d’organiser une réunion d’information et d’échange avec le public durant cette période de prorogation de l’enquête. Cette décision de prolongation fait bien sûr l’objet de mesures de publicité (article R 123-11 C env.).
2. Le rôle du commissaire enquêteur
Avant même la réforme dite du Grenelle II, la capacité d’action du commissaire enquêteur avait été utilement renforcée par les textes successifs. Comme précédemment, le commissaire enquêteur (ou la commission d’enquête) conduit l’enquête afin d’assurer une information parfaite du public ( art. L 123-13-I C env.). Ce principe doit néanmoins être appréhendé au regard du respect du secret de la défense nationale, du secret industriel et de tout secret protégé par la loi.
La réforme issue du Grenelle II tend en outre à le faire participer activement au processus de décision. Pour ce faire le commissaire enquêteur dispose d’un certains nombres de prérogatives.
Le commissaire enquêteur peut ainsi (Article L 123-13-II C env) :
Demander la communication de documents en se tournant vers le responsable du projet (articles L 123-13 II et R 123-14 C env.) ;
Effectuer des visites des lieux (articles L 123-13 II et R 123-15 C env.)
Organiser des réunions d’information et d’échange avec le public (articles L 123-13 II et R 123-17 C env.) : l’organisation d’une réunion publique peut justifier utilement la prolongation de l’enquête publique ( Cf 1/ durée de l’enquête) ;
Auditionner des personnes : le maître d’ouvrage (article L 123-13 II C. env.), toute personne ou service (article R 123-16 C env.) – (le refus ou l’absence de réponse est mentionné dans le rapport du commissaire enquêteur) ;
Demander la désignation d’un expert (article L 123-13-II C env.)
3. Les conditions de participation du public
La réforme dite du Grenelle II vise avant tout à améliorer la qualité de l’information avec un dossier d’enquête complété, une accessibilité accrue de l’information et une prise en compte des observations du public mieux assurée
En ce sens l’article L 123-11 C env. pose le principe de la communication possible à toute personne, sur sa demande, du dossier d’enquête, avant et pendant l’enquête (et non plus aux seules associations agréées comme précédemment).
De même, l’article R 123-13 C env. précise les modalités de présentation des observations, propositions et contre propositions du public. Ces dernières peuvent être inscrites sur le registre d’enquête établi sur des feuillets non mobiles côté et paraphé par le commissaire enquêteur, elles peuvent être adressées par correspondance au commissaire enquêteur éventuellement par voie électronique (mails), elles peuvent enfin être formulées lors des permanences organisées par le commissaire enquêteur.
4. La procédure de suspension d’enquête et la procédure d’enquête complémentaire
Par principe et en application d’une jurisprudence constante, le projet, objet de l’enquête publique, ne peut faire l’objet de modifications en cours d’enquête. Soucieuse d’assouplir cette règle, la réforme dite du Grenelle II crée la possibilité de suspendre l’enquête engagée (article L 123-14 I C env.) ou d’organiser une enquête complémentaire (article L 123-14 II c env.) afin d’assurer l’introduction de modifications au projet.
La suspension d’enquête concerne les modifications « substantielles » mais ne modifiant pas « l’économie du projet » (articles L 123-14 I et R 123-22 C env.). Cette suspension peut être prononcée, une seule fois, pour une durée de six mois maximum par l’autorité compétente, après consultation du commissaire enquêteur. L’initiative ne peut donc revenir, en la matière, au public. Une fois modifié le projet, est soumis à l’avis de l’autorité environnementale de l’Etat. A l’issue du délai et après information du public dans les mêmes conditions que celles exigées lors de l’ouverture de l’enquête initiale, l’enquête est prolongée pendant une durée au moins de 30 jours. La poursuite de l’enquête doit être assurée « si possible » par le même commissaire enquêteur (article R 123-14 I C env.). Les formalités de clôture restent inchangées.
La procédure de modification est engagée pour les modifications « substantielles » et de nature à modifier « l’économie du projet » (article L 123-14 II et R123-23 C env.). Ainsi, si à l’issue de l’enquête, au vu des conclusions du commissaire enquêteur, la personne « responsable » de l’opération estime souhaitable d’apporter des changements au projet, cette personne pourra demander à l’autorité organisatrice d’ouvrir une enquête complémentaire portant uniquement sur « les avantages et les inconvénients de ces modifications pour le projet et pour l’environnement ». Cette enquête complémentaire, dont la durée ne peut être inférieure à 15 jours, implique un complément au dossier soumis pour avis à l’autorité environnementale de l’État. Le déroulement de l’enquête complémentaire est, quant à lui, identique à celui de l’enquête initiale (article R 123-18 C. env.), en sachant qu’en cas de projets d’infrastructures linéaires, il sera possible d’organiser l’enquête complémentaire sur les seuls territoires concernés par la modification (application de l’avis du CE, CE avis 10 avril 1994 n° 355487, EDCE 1994, n°46, p.361). Dans un délai de quinze jours à compter de la date de clôture de l’enquête, le commissaire enquêteur devra, en outre, joindre au rapport principal communiqué au public lors de la première enquête un rapport et des conclusions motivées au titre de l’enquête complémentaire. (article R 123-14 II C env.). Le point de départ du délai pour prendre la décision après clôture de l’enquête est reporté à la date de clôture de l’enquête complémentaire.
III.5 La clôture de l’enquête
Elle est organisée par les articles L 123-15 et R 123-18 à R 123-21 C env.
1. Les formalités de clôture
Les modalités de clôture de l’enquête sont substantiellement modifiées (art..R 123-18 C env). Le commissaire enquêteur, et non le Préfet ou le maire, procède, dans un premier temps, à la clôture du ou des registres d’enquête à l’expiration du délai imparti.
Dans un second temps, et dans les huit jours de la clôture de l’enquête, une rencontre est organisée entre le commissaire enquêteur et le responsable du projet, plan et programme. A cette occasion, le commissaire enquêteur communique les observations écrites et orales consignées dans un procès verbal de synthèse
Dans un dernier temps, le responsable du projet produit ses observations dans le délai de 15 jours qui lui est imparti.
2. Le rapport et les conclusions du commissaire enquêteur
- Contenu
Le contenu du rapport du commissaire enquêteur est régi par l’article R 123-19 C env. Comme précédemment il doit, en particulier, analyser et répondre aux observations formulées par le public. Il doit fournir à l’autorité compétente tous les éléments nécessaires à son information et doit lui permettre de décider de la suite à donner à l’opération soumise à enquête.
Objet d’un document nécessairement séparé, les conclusions motivées du commissaire enquêteur expriment un avis personnel non lié par l’opinion exprimée par le public. La formulation retenue doit ne laisser aucune ambiguïté sur son sens exact.
Dans un souci de sécurisation juridique des procédures, l’article R 123-20 C. env. instaure un dispositif destiné à lutter contre d’éventuelles insuffisances des conclusions ainsi rédigées. Ainsi à la réception de ces conclusions, l’autorité compétente confrontée à ce qu’elle considère comme des insuffisances ou des motivations insuffisantes susceptibles de constituer une irrégularité, peut en informer le président du tribunal administratif dans un délai de 15 jours. Si les insuffisances sont effectivement avérées, ce président du tribunal administratif dispose alors de 15 jours pour demander des compléments au commissaire enquêteur. En l’absence de cette intervention, la demande est réputée rejetée sans aucune possibilité de recours. En cas de demande effective de compléments, le commissaire enquêteur pourra transmettre ses conclusions complétées dans un délai d’un mois au plus.
Une intervention directe du président du tribunal administratif, à sa seule initiative, est également possible dans un délai de 15 jours à compter de la réception des conclusions, en cas d’insuffisance ou de défaut de motivation. Dans cette hypothèse, le commissaire enquêteur est tenu de remettre ses conclusions complétées à l’autorité compétente et au président du tribunal administratif dans un délai d’un mois.
- Transmission et procédure de contrainte
Le commissaire enquêteur ou le président de la commission d’enquête transmet à l’autorité compétente pour organiser l’enquête le dossier de l’enquête accompagné du ou des registres et pièces annexées avec le rapport et les conclusions motivées, dans un délai de 30 jours à compter de la date de clôture de l’enquête. Il transmet simultanément une copie du rapport et des conclusions motivées au Président du tribunal administratif.
A ce stade de la procédure la réforme du Grenelle II introduit une nouveauté dans la création d’une procédure de contrainte applicable aux commissaires enquêteurs ne respectant pas le délai de transmission du rapport et des conclusions et n’ayant pas formulé de demande motivée de report dudit délai. (article L 123-15 C env). Dans une telle hypothèse de non transmission dans les délais impartis, l’autorité compétente peut, avec l’accord du maître d’ouvrage, mettre en demeure le commissaire enquêteur de remettre sans délai son rapport et ses conclusions. Sans réponse favorable à cette demande, l’autorité compétente peut demander au président du tribunal administratif de dessaisir le commissaire enquêteur concerné et de lui substituer son suppléant ou un nouveau commissaire enquêteur. Le nouveau commissaire dispose alors d’un délai de 30 jours au plus à compter de sa nomination pour déposer son rapport et ses conclusions motivées. Comme nous l’avons dit supra, le non respect des délais de transmission peut, en outre, justifier une demande de radiation de la liste d’aptitude des commissaires enquêteurs.
- Publicité du rapport et des conclusions
L’autorité compétente pour organiser l’enquête adresse, dès leur réception, copie du rapport et des conclusions au responsable du projet. Copie est également adressée à la mairie de chacune des communes où s’est déroulée l’enquête et à la préfecture de chaque département concerné pour y être sans délai tenue à la disposition du public pendant un an à compter de la date de clôture de l’enquête.
- Portée du rapport et des conclusions
Le dispositif textuel fait prévaloir la logique de la démocratie représentative sur celle de la démocratie participative : le rapport et les conclusions ont ainsi pour seul but d’éclairer l’autorité compétente pour prendre sa décision. Le maître d’ouvrage n’est donc pas lié par les suggestions et recommandations formulées dans le rapport.
Ainsi, dans l’hypothèse où une opération subordonnée à une autorisation administrative doit faire l’objet d’une enquête publique environnementale, le sens de l’avis du commissaire enquêteur est en général dépourvu d’effet sur le régime applicable à la décision administrative subséquente. Cette autorisation ne peut résulter que d’une décision explicite.
L’avis émis peut être favorable, favorable avec recommandations, favorable avec réserve ou défavorable (art R 123-19 C env.) , la jurisprudence précisant ce qu’il faut entendre par avis favorable ou avis défavorable. L’avis initial ne peut être modifié après sa transmission initiale que pour prendre en compte des aménagements apportés au projet, dans le cadre d’une instruction supplémentaire.
III.6 Délai de validité de l’enquête publique environnementale
L’enquête publique est soumise à un délai de validité sur la base de l’article L 123-17 C env. Ainsi, comme précédemment, si les aménagements et ouvrages qui ont fait l’objet d’une enquête n’ont pas été entrepris dans un délai de cinq ans à compter de la décision, une nouvelle enquête devra être organisée. Cette hypothèse ne s’applique pas en présence d’une décision de prorogation prise sur la base des dispositions de l’article R 123-24 C env. : la durée de validité de l’enquête publique peut être prorogée par une décision expresse de l’autorité compétente pour prendre la décision, pour une durée maximale de cinq ans. La prorogation ne peut intervenir si le projet a fait l’objet de modifications substantielles ou si des modifications de droit ou de fait de nature à imposer une nouvelle consultation du public sont intervenues depuis la décision arrêtant le projet.
LES TEXTES DE RÉFÉRENCE
Convention D’Aarhus, 23-25 juin 1998,
Directive n° 2003/4/CE concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement,
Loi constitutionnelle n°2005-205 du 1 mars 2005 relative à la Charte de l’environnement
Loi n° 83-630 du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de l’environnement dite « loi Bouchardeau » , JORF du 13 juillet
Loi n° 93-24 du 8 janvier 1993 sur la protection et la mise en valeur des paysages et modifiant certaines dispositions législatives en matière d’enquêtes publiques, JORF
loi n°2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, JORF du 10/12/2004, articles 60 et 78
Loi du 6 juin 2005 relative à la liberté d’accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques JORF du 7 juin 2005
Loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, Article 52, JORF
Loi n°2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, JORF du 13 juillet 2010
Décret n° 85-453 du 23 avril 1985, JORF du 24 avril
Décret n°2006-578 du 22 mai 2006 JO du 23 mai rectificatif du 2 septembre 2006
Décret du 4 octobre 2011 relatif à l’établissement des listes départementales des commissaires enquêteurs, JORF
Décret n°2011-2018 du 29 décembre 2011 portant réforme de l’enquête publique relative aux opérations susceptibles d’affecter l’environnement, JORF du 30 déc 2011
Décret n° 2011-2021 du 29 décembre 2011 déterminant la liste des projets, plans et programmes devant faire l’objet d’une communication au public par voie électronique dans le cadre de l’expérimentation prévue au II de l’article L. 123-10 du code de l’environnement, JO du 30/12/2011 pages 22718/22719
Décret n° 2011-2019 du 29 décembre 2011 portant réforme des études d’impact des projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements, JORF du 30 déc 2011
Arrêté du 24 avril 2012 fixant les caractéristiques et dimensions de l’affichage de l’avis d’enquête publique mentionné à l’article R. 123-11 du code de l’environnement, JO du 04/05/2012 page 7894
Code de l’environnement : articles L 123-1 et suivants, R 123-1 et suivants
JURISPRUDENCE
Le président du tribunal administratif ne doit pas désigné un commissaire directement associé à l’instruction du plan , CE 7 mars 1986 Min. Urb. Logt c/Fourel, Dr Adm, 1986, n°314
Le président du tribunal administratif ne doit pas désigné une personne intéressée à titre quelconque, CE 31 oct 1992 Mme Meulieu, Rec. p. 1370
Dès qu’il y a modification substantielle du projet, une nouvelle enquête publique s’impose CE 8 février 1999 Carry, req n° 127651
Une modification substantielle au dossier soumis à l’enquête publique rend nécessaire l’engagement d’une nouvelle enquête publique CAA marseille 3 juin 2004 Ville de Cannes, req n° 99MA00071
Le juge exerce un contrôle approfondi sur les motifs de refus de communiquer mis en exergue par le maître d’ouvrage, CE 8 juillet 1998 Min. équipement c/Jeangey, Req n° 161587
La décision de prorogation de l’enquête étant favorable aux administrés le respect des délais concernant le porté à connaissance de la décision du commissaire enquêteur ne présente pas pour le Conseil d’Etat le caractère d’une formalité substantielle, CE 24 octobre 1990 Mme Auguin, req. n° 99256
Sur la base du dossier d’enquête et après avoir analysé les observations du public, le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête doit donner à l’autorité compétente un avis motivé, CE 10 décembre 1990 Assoc. Les amis de Port Ripaille, Leb. T p. 548
Le maître d’ouvrage n’est pas lié par les suggestions et les recommandations formulées dans le rapport du commissaire enquêteur CE 2 avril 1993 Kaminer, req n°97150
Doivent être considérées comme favorables les conclusions accompagnées de vœux ou de suggestions CE 9 mars 1988 Assoc. Les amis de Rayol-Canadel, req n° 68395
Lorsque les réserves émises ont été prises en considération et que le projet a été modifié en conséquence, l’avis du commissaire enquêteur doit être à nouveau considéré comme favorable, CE 22 février 1989 Assoc. Pour la réalisation de la coulée verte
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES :
Rapports et manuels
Y. JEGOUZO, Etude d’impact d’une réforme de l’enquête publique , rapport, 2007
Rapport sur la simplification des enquêtes publiques , Conseil Général des Ponts et Chaussées et Inspection générale de l’environnement, Novembre 2005 , 137 pages
Réforme du système des enquêtes publiques , Rapport du conseil général des ponts et chaussées, n° 2004-0254-01, février 2005, 42 pages
V. Le Coq, Pratique des enquêtes publiques , Ed. Nouvelles Editions Fiduciaires, 1995, 319p
R. Hostiou et JC Hélin, Droit des enquêtes publiques , ed. Le Moniteur, 1993, 393 p
H Bouchardeau, L’enquête publique , Rapport à M. Michel Barnier Ministre de l’environnement, décembre 1993, 22 pages
E Gillet Lorenzi, Enquête publique et participation du public , thèse, Reims, 2002, 433 p
Articles
HELIN JC, Une utile rénovation de l’enquête publique environnementale , AJDA 2012, p. 255 et s.
HOSTIOU R, L’enquête publique après les textes d’application du Grenelle 2 : quoi de neuf ? , JCP A, n° 8, p. 2066 et s
JEGOUZO Y, La réforme des enquêtes publiques et la mise en œuvre du principe de participation , AJDA 2010, p. 1812 et s.
Photo : Nature Capitale, Bellecour, Lyon. © RUCH MP / Agence d’Urbanisme de Lyon
[1] APERAU : Association pour la Promotion de l’Enseignement et de la Recherche en Aménagement et Urbanisme
[2] DGALN : Direction générale de l’aménagement du logement et de la nature
[3] Certaines procédures comme les enquêtes domaniales ou les enquêtes parcellaires conservent néanmoins leur spécificité.